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Célestin enfant

Célestin enfant

Célestin Freinet, un éducateur pour notre temps

Michel Barré

 

L'élément le plus fiable est l'état-civil qui confirme la naissance, le 15 octobre 1896, de Célestin, Baptistin Freinet, benjamin des enfants de Joseph, Delphin Freinet, cultivateur (1854-1939), et de Marie Victoire Torcat (1855-1929). La mère avait eu six enfants, mais trois seulement avaient dépassé l'âge de 5 ans. Célestin n'a connu que sa soeur Baptistine, née en 1885, et son frère Joseph, né en 1886.

 

Le père était un modeste agriculteur qui élevait aussi des moutons et quelques chèvres. La mère tenait, au rez-de-chaussée de sa maison, l'unique épicerie du village, ce qui ne signifie pas l'opulence, compte tenu du nombre limité des clients possibles et des difficultés d'approvisionnement, mais n'est pas non plus l'indice d'une extrême pauvreté. C'était surtout l'occasion de rencontrer la plupart des villageois.

 

Tout montre que le jeune Célestin a vécu en totale symbiose avec son village. Il écrit : Je suis paysan et berger. Quand je me scrute en profondeur et que je gratte la croûte dont la civilisation s'est évertuée à me recouvrir, c'est toujours l'eau qui coule dans la « tine » du vieux moulin, la rivière qui s'allonge lentement parmi les osiers, l'odeur des boeufs qu'on conduit au travail et le bêlement des brebis dans la montagne que je retrouve et qui toujours m'émeuvent parce qu'ils sont la trame initiale d'une vie qui n'a plus jamais retrouvé la pure simplicité du village de mon enfance. Et mon seul talent de pédagogue est peut-être d'avoir gardé une si profonde empreinte de mes jeunes années que je sens et que je comprends, en enfant, les enfants que j'éduque. (Dits de Mathieu, p. 35 ou T.2, p. 120)

 

 Le premier texte que Freinet ait rédigé pour les enfants s'appelle Tony l'assisté, publié en 1925 par les Editions de la Jeunesse, de la Fédération syndicale de l'Enseignement (Ecole Emancipée). Il y raconte, de façon sensible, l'arrivée d'un enfant de l'Assistance Publique chez un vieux couple, dans un village ressemblant beaucoup à Gars. Certes, Tony n'est pas l'autobiographie de Célestin qui possédait une vraie famille. Mais, quand on sait que ses parents hébergeaient parfois des enfants de l'Assistance (dont l'un s'appelait, paraît-il, Tony), on comprend mieux que ce texte exprime une réalité bien connue de l'auteur. Les jeux dans la rivière, avec le feu, la fabrication de cabanes, la participation aux travaux des champs, la surveillance des chèvres, l'aide apportée à tour de rôle au berger communal, la nuit passée au clair de lune, la profonde communion avec les bêtes, les plantes, le ciel, l'univers entier; tout est profondément ressenti.

 

Plus tard, quand il écrit L'Education du Travail, Freinet se réfère constamment à son enfance, notamment pour parler de la participation des enfants à la vie et aux travaux des adultes : Quand venait le temps de couper la lavande, ma mère m'accrochait au cou un petit sac de toile; elle m'avait trouvé une mignonne petite faucillette pas trop aiguisée, et je partais, comme les grands, couper les fleurs parfumées. La première fois, il m'en souvient, j'avais coupé non seulement les brins bleuissants mais, plus bas, la tige ligneuse et lourde avec ses touffes de feuilles... Ce qui était tricher. Par pitié pour moi, pour m'encourager aussi, le distillateur avait quand même accepté ma charge : 2 kilos... J'avais gagné vingt sous!  (EdT. p. 115 ou T.1, p. 143, voir également pp. 121 à 123 ou T.1, p. 152). Il raconte aussi les  veillées et son amour des contes populaires (pp. 50 et 51 ou T.1, p. 74).

 

Dans Conseils aux parents, réédité ensuite dans Vous avez un enfant (La Table Ronde), il écrit (p. 280) : Dans mon jeune âge, au début du siècle, nous n'avions absolument aucun jouet du commerce : rares jeux de cartes, balles fabriquées avec des vieux chiffons, billes remplacées par les noix de galle des chênes, boutons. Les plus communs étaient pour nous les divers jeux à courir, à se cacher, à attraper ou les jeux avec le feu et l'eau, si obsédants pour les enfants.  

 

A propos du feu, il raconte par ailleurs : Ma mère ne voulait pas que nous jouions avec le feu. Je saurai plus tard qu'elle avait quelques raisons à cette crainte: un frère plus âgé s'était brûlé atrocement un jour, en allumant un feu à la campagne. Il était mort la nuit suivante  (Bulletin Amis de Freinet, n° 11).