timbre freinet

 

Témoignage de Pierre Le Blavec, ancien élève"Freinet" 1974

Département
Evénement
Publication

Témoignage de Pierre Le Blavec, ancien élève ‘Freinet’ (1977-1979)
Soumis par François Perdrial le 02/12/2017 - 06:43.
Samedi, 2 décembre, 2017 - 06:43
53ème Congrès de l’ICEM
Jeudi 24 août 2017
TEMOIGNAGE, EN TANT QU'ELEVE, D’UNE EXPERIENCE
SUR LA ‘TECHNIQUE PEDAGOGIQUE ACTIVE’ FREINET (1977-1979)

A l’occasion du 53ème Congrès international de l’Institut coopératif
de l’Ecole moderne (ICEM) - Pédagogie Freinet, qui se tient à Grenoble
(Isère), Pierre Le Blavec, professeur et historien des sciences de
l’éducation, témoigne de son expérience de jeunesse par la ‘technique
Freinet’, à Metz (Moselle).
Quoi que de plus émouvant que de rendre un hommage sincère - sous forme de
profond remerciements pédagogiques et humanistes - à son ancien maître
d’école, M. Camille Deutsch (né en 1935), de l’école élémentaire
Sainte-Thérèse, à Metz (Lorraine).

Quarantenaire, mon instituteur était adepte de la ‘technique active
Freinet’.
Par l’apparence d’abord : blouse grise, tel un ‘Hussard noir de la
République’ (Charles Péguy), barbe rousse remarquablement bien taillée,
voix bienveillante, fortes capacités d’écoute et nécessaire autorité
naturelle pour bien se faire respecter par sa trentaine d’élèves, dont sa
propre fille, Virginie.

Enseignant expérimenté, respecté et reconnu, il travaillait en partenariat
avec les stagiaires de l’Ecole normale primaire du Rectorat de
l’Académie de Lorraine, qui assistaient périodiquement à nos cours.
Dès la première leçon, il nous apprit à nous présenter - un à un, en
plaçant systématiquement notre prénom (étymologiquement ‘prænomen’)
devant notre patronyme -, pour prendre confiance en nous et nous exprimer, en
groupe … en expliquant et décrivant - avec nos propres mots - le lieu où
nous avions passées - ou non - nos vacances d’été, en le localisant
timidement, avec une punaise dorée, sur une carte routière de France.
Les quatre murs de la salle de classe étaient couverts de reproductions de
peintures célèbres que nous devions rechercher, pas à pas, puis
découvrir, seuls ou en petits groupes. Les photocopieuses étant rares à
l’époque, la salle était périodiquement embaumée par l’odeur de
l’alcool de la reprographie à manivelle, pour imprimer le « journal de
classe », réalisé collectivement. Les exercices de calcul mental avec
l’ardoise, la craie et l’éponge humide. Les boites de fiches pour
enrichir nos connaissances. La possibilité de dessiner individuellement - ou
a deux -, lorsque nous avions terminé notre travail ou nos exercices.
Pour développer notre curiosité artistique, nous assistâmes à un concert
philharmonique en étudiant, au préalable, l’ensemble des instruments de
musique et en découvrant, à l’oreille, mouvement par mouvement, le conte
musical Pierre et le Loup de Sergueï Prokofiev (1891-1953). Avec un simple
magnétophone à double bandes et des images stylisées aimantées au tableau
noir, il nous a initié à la langue allemande : première leçon 'Die
Brücke bricht'.
Parlant de la ruralité et des cycles des saisons à des élèves citadins,
il nous expliqua qu’avant, on fauchait les champs manuellement. Personne ne
compris … Pratique et efficace, il nous mimait - dès la semaine suivante,
en classe et en toute sécurité - , les gestes agricoles ancestraux avec la
propre faux de son père et élimait le tranchant devant nous - ébahis -
avec une simple pierre à aiguiser … Cinq ans plus tard, j’avais plaisir
à effectuer les mêmes gestes avec mon propre père, dans notre maison de
campagne, et lui montrer - à son grand étonnement - que j’étais 'grand'
et que je 'savais déjà'.
A la grande inquiétude de nos parents, nous partîmes - une semaine - en
'classe verte', aux Gouttridos, près de Gérardmer (Vosges). Grâce à lui,
je découvris l’épinette (instrument de musique local), la différence
entre un sapin et un épicéa (ce qui me permis d’épater, des années plus
tard, un haut fonctionnaire de l’Institut national de la Recherche
agronomique, INRA, qui essayait de me 'coller') …
Adolescent, je découvrais, quelques années plus tard, une toute autre
pédagogie, fondée sur l’effort intellectuel et physique, l’autorité,
la discipline
… et la vie ascétique, en internat, au pluri-centenaire Prytanée national
militaire de
La Flèche (Sarthe).

Merci M. Deutsch ! Dans la droite lignée de Jean Macé (1815-1896),
Célestin Freinet (1896-1966) et son épouse Elise (1898-1983), vous avez
été un excellent pédagogue, un remarquable ‘passeur’ de connaissances
et de compétences, vous m’avez transmis les ‘fondamentaux’
d’enseigné - puis d’enseignant - et permis de construire durablement mes
‘fondations’ d’adulte, sur des repères simples, solides et efficaces.
Par le témoignage et le récit, nous luttons malicieusement contre le temps
qui passe …

Cher(e)s congressistes, ne serait-il pas judicieux de profiter de notre
dernier jour, tous ensemble, jeudi 25 août, pour faire témoigner oralement
nos ‘Anciens’ - présents parmi nous - et qui ont connu - et pratiqué -,
la ‘technique active Freinet’ pendant la difficile période de
l’Occupation
alors même que son initiateur était injustement interné au camp de
Chabanet à Vichy ?

Pierre Le Blavec
Professeur - Historien des Sciences de l’éducation
CIRCE® Learning and Teaching Method

Sources bibliographiques
FREINET, Célestin (1964), Les techniques Freinet de l’Ecole moderne,
Carnets de pédagogie pratique, n°326, Librairie Armand Colin, collection
Bourrelier, 144 p.

© 2017 - LAvis Devant Soi | LAVDS | Advice Beyond® - Tous Droits Réservés

Personnalité:
Deutsch, Camille
Le Blavec de Crac’h, Pierre
Evénement:
Congrès
Publication:
Article
Département:
57-Moselle
Date du document:
2017