Marc Audet, un des fondateurs du Collectif Québécois de l’École Moderne - Pédagogie Freinet vient de décéder...
Il nous laisse ce texte sur l'histoire du mouvement québécois.
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Le Collectif Québécois de l’École Moderne - Pédagogie Freinet
L’histoire
On pourrait faire remonter la naissance du mouvement québécois à l’année scolaire 79-80, moment où la mécanique légale s’est mise en branle. Mais en réalité, il faut remonter plus loin en arrière pour parler du mouvement des Chantiers Pédagogiques du Québec qui, au cours des années 1967 à 72, avait regroupé plusieurs enseignants et enseignantes du Québec autour du travail sur les grands thèmes de la pédagogie Freinet. Le ministère de l’éducation du Québec, alors naissant, avait organisé les stages SÉMÉA (stages d’entraînement aux méthodes d’éducation actives), afin de favoriser le renouveau et l’innovation dans les écoles québécoises. Les Chantiers étaient apparus comme une conclusion de ces stages.
Ils avaient donc vu le jour et permis à de nombreuses personnes de poursuivre le travail de rénovation entrepris. Les techniques Freinet demeuraient l’axe majeur du travail de ce mouvement. Des enseignants français du mouvement de l’École Moderne étaient même venus à quelques reprises renforcer cette orientation en servant d’animateurs de stage de travail et de réflexion. Malgré la mort des Chantiers Pédagogiques, au début des années 70, plusieurs personnes ont continué de travailler en pédagogie Freinet, dans leur classe ou leur école, à titre d’engagement individuel.
Un moment, il y a même eu un second regroupement, informel celui-là, autour des activités du Centre Pilote Laval, dans la région de Québec. Cette unité de formation des maîtres de l’Université Laval organisait la prise en charge de stagiaires par des enseignants reconnus pour les innovations vécues dans leur classe, et quelques-uns de ceux qui avaient déjà travaillé avec les Chantiers Pédagogiques se retrouvèrent naturellement dans le groupe des maîtres associés. Il y eut aussi à cette occasion, visite d’enseignants français du mouvement, ce qui ne fut pas sans renforcer encore l’engagement de certains envers la pédagogie Freinet.
L’Association québécoise des Professeurs de français (l’AQPF) organisa en 1980 un de ses congrès annuels sur le thème de l’enseignement du français avec le souci d’offrir à sa clientèle de nouvelles avenues, surtout en ce moment précis où le MEQ venait de publier son nouveau programme d’enseignement, très axé sur une pédagogie naturelle. Elle pensa donc d’organiser des ateliers en pédagogie Freinet et proposa à certaines personnes connues pour leur engagement en ce sens à prendre en charge ces ateliers. Ce sont ces personnes, soucieuses de ne pas en rester là, qui sont à l’origine de notre mouvement.
Ce NOYAU d’enseignants/tes s’est engagé dans un lent processus de définition d’un éventuel mouvement québécois d’École Moderne, tout juste après la tenue du congrès de l’AQPF. Le noyau s’est agrandi peu à peu et a travaillé pendant près de deux ans sur la mise au point des documents nécessaires pour procéder à la création légale et officielle du mouvement.
Le 30 août 1982, le gouvernement du Québec accédait à notre requête de constitution légale d’une association, au sens de la Loi des compagnies, et incorporait le COLLECTIF QUÉBÉCOIS DE L’ÉCOLE MODERNE - PÉDAGOGIE FREINET. Le conseil d’administration provisoire a alors convoqué la première assemblée générale du collectif, et en septembre de la même année, lancé sa campagne d’adhésion. Le mouvement naissait.
Au fil des années, la participation a varié. Elle s’est cependant toujours maintenue, malgré les hauts et les bas. C’est en 1985-86 que nous avons connu notre meilleure année, et cela s’explique peut-être par la publication dans la revue du MEQ, “Vie Pédagogique” (avril 86) d’un article de Marc Audet, intitulé “La pédagogie Freinet dans une école québécoise”. Il y exposait notamment son approche de la pédagogie naturelle en décrivant l’organisation de sa classe, et donnait en même temps les coordonnées du mouvement. Plusieurs personnes avaient pris contact avec le mouvement à cette occasion.
Dès sa naissance, le Collectif a créé la revue CHANTIERS, lieu d’échange qui palliait à la difficulté de se rencontrer des adhérents, pendant l’année. En mai 92, on publia le numéro 59. Cela fait une somme considérable d’écriture et de partage des expériences quotidiennes.
Chaque année, une rencontre a été organisée, que nous avons appelée tantôt congrès tantôt stage, pour permettre un travail plus intensif à ceux et celles qui avaient temps et énergie à consacrer à ce partage d’expérience et de réflexion. Le collectif en a fait aussi le moment par excellence pour évaluer son action et relancer l’année qui suivait. C’est aussi en cette occasion que furent organisées toutes les manifestations que nous avons vécues par ailleurs en année; stages, colloques de sensibilisation, journées thématiques ou rencontres coopératives de gestion y ont été planifiés.
Une particularité, également, qui donne son image au mouvement, est la mise sur pied de groupe de travail locaux, petits noyaux de travailleurs/euses qui se rencontrent régulièrement, en année, dans leurs milieux, pour échanger sur leur pratique et pour faire une certaine promotion de la pédagogie Freinet en amenant de nouvelles personnes à graviter autour du mouvement, parce qu’elles y reconnaissent des affinités avec ce qu’elles croient ou ce qu’elles font.
Des moments importants pour le mouvement et ses membres ont été vécus, notamment la création d’une première équipe pédagogique en pédagogie Freinet, dans une école alternative de Beauport (Yves-Prévost), en 1983, (autrement nommée maintenant École Freinet de Québec) et quelques années après, d’une deuxième à l’école E.L.A.N. à Montréal. Ce furent des moments clés, à notre sens, parce qu’ils ont marqué les débats et les questionnements sur la justification du mouvement et sur ses orientations. Leur présence permet notamment des approfondissements qui seraient difficiles à réaliser autrement. Et depuis plusieurs autres équipes-écoles se sont jointes au cercle des premières : l'Envol à Laval, l'école Freinet de Trois-Rivières, celle de Cowansville, et maintenant deux autres à Montréal, en attendant que d'autres surgissent peut-être ici et là.
Pendant tout ce temps et à travers tous ses échanges, le mouvement a maintenu des contacts étroits avec les mouvements européens d’École Moderne, notamment ceux de France et de Belgique. Cela s’est traduit d’abord par des échanges de documents, les revues notamment, mais aussi par des contacts personnels et des visites de personnes de part et d’autre.
Quelques-uns d’entre les membres sont appelés régulièrement, en outre, à participer à des cours dans les universités québécoises, dans le cadre de la formation des maîtres, ou à agir comme animateurs ou personnes-ressources, dans des rencontres de groupements à vocation éducative. La permanence du témoignage qui y est apporté donne une image de plus en plus présente de notre pédagogie sur la scène nationale.
En 1992, à la suite d’une année difficile, où nous avons eu encore à gérer le problème de la relève, l’assemblée générale décidait de mettre le mouvement en sommeil pour un temps indéterminé. Le conseil d’administration élu à l’occasion de l’assemblée générale de cette année-là a gardé le flambeau pendant deux ans, sondant de temps à autre les membres actifs pour savoir s’il convenait de réanimer les activités. L’assemblée générale suivante eut lieu en janvier 95, et le thème principal des échanges devait porter sur une éventuelle dissolution du mouvement. Un conseil d’administration nouveau, formée de personnes désireuses de ne pas mettre un terme définitif à l’existence du mouvement, fut élu pour garder les choses en l’état, en attendant de détecter dans le milieu de l’éducation les signes éventuels d’une reprise possible des activités.
En 1996, à l’occasion des célébrations du centenaire de Freinet, la cinéaste Suzanne Dansereau a créé un film sur le thème de notre pédagogie, film auquel quelques-uns de nous ont participé, aux côtés d’autres praticiens de France et de Suède.
Nous considérons désormais le temps venu de réactiver le mouvement, même si toutes les structures que nous avions prévues ne seront pas toutes remises en route maintenant pour autant. Il devenait important pour nous de nous afficher de nouveau comme mouvement actif, surtout parce qu'à l'été 2016, la FIMEM (Fédération internationale des mouvements d'École Moderne) nous a accordé l'autorisation de mettre sur pied l'organisation de la RIDEF (Rencontre internationale des Éducateurs Freinet) de 2020 chez nous, au Québec.