timbre freinet

 

PUGET Anna et Jean, militants Freinet de l'Aude

Département

Lieu(x) d'exercice

Tournissan (1928 à 1950)

Personnalité

Image
 Les écoliers de Tournissan (1978)

Notice

 Jean Puget :

  • Délégué départemental dès 1938
  • Auteur de la BENP n°11 la classe exploitation, octobre 1938
  • Auteur de la BENP n°12 :Technique d'étude du milieu local, novembre 1938
  • Délégué départemental du GFEN en 1946

Anna et Jean Puget :

  • Auteurs de la préface du livre  Les écoliers de Tournissan  1939-1945 publié d'après les textes libres des enfants de l'école, 1978 Toumlouse Privat 155 pages, réédité sous le titre Il nous tarde que la guerre finisse en 2012 éd Vendémiaire
  • Article Le Monde du 31 juillet 2010 :

Ils avaient 10 ans en 1940

Le regard d'écoliers de l'Aude qui décrivent, dans leurs rédactions, le quotidien d'un village dans la tourmente.

Comment vit-on une expérience comme celle de la guerre, lorsqu'on est enfant ? Dominique Fernandez, écrivain et membre de l'Académie française, avait 10 ans en 1940. Fils d'un critique célèbre, Ramon Fernandez, qui allait plus tard se fourvoyer dans la collaboration (il lui a consacré un livre superbe, Ramon, en 2008), et de Liliane Chomette, une professeure de lettres, il a été éloigné de Paris, avec sa grande soeur Irène, à la déclaration de guerre.

Scolarisés à Pontigny (Yonne), chez l'écrivain Paul Desjardins, les deux enfants ont regagné Paris à la fin de mars 1940, pour en repartir précipitamment le 16 mai, en direction du Poitou cette fois, dans un gigantesque château où ils passeront l'été, au coeur d'une "petite république" composée d'enfants éloignés de Paris. Ils en ont gardé le souvenir d'un "grand moment de liberté", et quelques images saisissantes, tragiques ("l'air de défaite des soldats français qui se repliaient"), ou plus poétiques : Antoine de Saint-Exupéry, de passage, assis derrière un piano, jouant à faire de la musique en promenant une orange sur le clavier...

A l'autre bout de la France (et de l'échelle sociale), les enfants de Tournissan (Aude) livrent sur cette époque un témoignage très différent. Il se présente sous la forme d'un classeur des plus ordinaires, qui contient un trésor inestimable : une cinquantaine de textes écrits à la plume, à l'encre violette, racontant le quotidien d'un petit village en guerre à travers les yeux d'écoliers de 10 à 13 ans.

"LES PIRES SUPPOSITIONS"

Ce document, retrouvé à la fin des années 1970 et publié par les éditions Privat sous le titre Les Ecoliers de Tournissan, est né de la volonté d'un couple d'instituteurs atypiques, Anna et Jean Puget. Dans un petit village viticole de 400 habitants situé dans les Corbières, à une dizaine de kilomètres de la mer, ces enseignants adeptes des méthodes de pédagogie active de Célestin Freinet ont entrepris de confier à leurs élèves, dès la déclaration de guerre, la tâche de décrire ce qu'ils vivaient : le résultat est une série de "reportages" naïfs et bouleversants, à travers lesquels on lit toute l'épaisseur d'une époque.

Certaines de leurs rédactions sont consacrées aux événements internationaux. Ainsi de celle de Marcelle Vitella et Suzanne Carrié, deux "grandes" (elles ont 13 ans), sur la déclaration de guerre : "Hitler ayant pris l'Autriche en 1938 puis ensuite au mois de septembre 1938 la Tchécoslovaquie décida d'agrandir son pays en prenant le couloir de Dantzig, mais la Pologne disait que Dantzig lui appartenait aussi, aussi elle ne voulut pas le laisser prendre. Par un coup de colère, Hitler bombarda la Pologne le 1er septembre 1939."

Mais il est rare, en ces temps si particuliers, que l'actualité n'influe pas sur le quotidien. Dans une autre de leurs rédactions, les deux jeunes filles évoquent la déclaration de guerre sous un tout autre angle : "Au mois d'août 1939, lorsque les hommes parlaient des dangers de la guerre, ils disaient "Au moins qu'Hitler nous laisse faire les vendanges"."

La grande affaire, après la défaite, est celle du sort des prisonniers. Lorsque Marguerite Cassé, Pierre Maurin et Janine Roux évoquent l'inquiétude des villageois, c'est en des termes très pudiques : "Tout le monde faisait les pires suppositions. Les uns disaient : "Puisqu'ils n'écrivent pas ils doivent être morts." Les autres pensaient : "Ils seront allés en Norvège ou en Belgique." On comptait 13 soldats qui n'écrivaient pas. Les parents de ces soldats étaient bien tristes. Mais enfin tout le village fut soulagé lorsqu'un beau jour un de ces soldats, Georges Lastenouse, écrivit. Quelle joie et quel plaisir de les savoir en vie !"

Ce qu'ils comprennent de la guerre ? A peu près tout, en réalité. Dans un tableau de "la France après l'Armistice", Janine Roux, 13 ans, Pierre Roux, 10 ans, et Armand Vives, 11 ans, écrivent : "Tous les jours, les journaux nous rapportent les péripéties de ces batailles. Les Anglais lancent beaucoup de bombes sur les villes allemandes et font beaucoup de ravages. Mais comme les Allemands contrôlent les journaux ils ne parlent pas de leurs pertes mais ils disent toutes les pertes des Anglais."

A lire ces phrases, on voit bien que la propagande vichyste n'a pas pénétré en profondeur. Les enfants ne sont pas dupes. Et ils devinent la suite : "Sûrement on va nous changer les livres."