timbre freinet

 

LUCIANI Jacques (1927-1982), militant Freinet de Corse

Département

Lieu(x) d'exercice

Sermano

Personnalité

Image
dique CEL Nous de Sermano

Notice

  • Journal scolaire : A Sulana (1964) 1 exemplaire archivé aux AdF et 4 exemplaires archivés au MUNAE (1956 à 1963)
  • Article l'Educateur  n°7 de 1954 : L'ICEM en Corse
  • Disque CEL n°811 :  Nous de Sermano
  • Article de Marco Grazi  Nice Matin ( région Corse)  du 4 juillet 2012:
  • Photo de José Martinetti  : le groupe A Mannella ( J Luciani est au 1er rang à gauche)

 

Deux juillet 1982. Corte, et au-delà la Corse, est en deuil. Le plus ardent défenseur de la langue et de la culture de ce pays vient de s'éteindre. Jacques Luciani est parti pour son dernier voyage à peine âgé de 54 ans. Mais son œuvre reste à jamais ancrée dans les mémoires…

Son esprit militant, il le mit au service de la langue et de la culture corse, et ce dès la fin des années 1950… Le jeune instituteur débarque à Sermanu et son oreille musicale est attirée par des chants s'élevant de l'église Saint-Augustin. Devant la beauté de ces polyphonies sacrées, Jacques Luciani reste figé. Mais déjà germe en lui le désir de s'y intéresser de plus près, de travailler avec ces chantres et les derniers violoneux du village.

Après quatre années de collectage sonores il réalise son vœu le plus cher : faire connaître cette tradition séculaire à la Corse. Et il porte donc sur les fonds baptismaux le groupe A Mannella. Nous sommes en 1958. La paghjella sort de l'ombre. Pour autant les sifflets ponctuent les premières interprétations à l'Aiglon cinéma de Corte : «Fisciate pùru, ma i nostri antenati cantavanu cusi », lâche Jacques Luciani ! « Le même accueil nous avait été réservé à Bastia », se souvient Jean-Baptiste Pulicani, fidèle parmi les fidèles. Qu'importe. L'histoire est en marche. A Mannella ouvre la porte du Riacquistu et va porter ce message à travers l'île et bien au-delà, avec des hommes tels que Gregale, Rigolu Grimaldi ou encore Petru Guelfucci et Jean-Paul Poletti. « J'ai découvert l'Europe », ajoute Pascal Cesari, ancien membre du groupe, « partout nos traditions, nos chants ont fait connaître notre île… »

Mais son action militante ne s'est pas arrêtée là. Il fut le premier à lancer l'idée de l'enseignement du corse à l'école. Et Pascal Luciani, l'un de ses fils, de se remémorer cette anecdote : « Nous étions en 1969, et mon père avait appris que Jérôme Polverini, inspecteur général de l'Éducation Nationale se trouvait à Corte. Accompagné de Joseph Sicurani, un autre grand défenseur de notre langue, ils décident de le rencontrer. L'entrevue se passe à la brasserie du Majestic et tous deux plaident en faveur de l'enseignement de la langue. Ils demandent à Jérôme Polverini de porter leur souhait auprès du ministre de l'Éducation Nationale à Paris ». Moins de deux ans plus tard, le corse entre au collège Pascal Paoli !

Passionné également de faune et de flore, Jacques Luciani fut sollicité par le PNRC pour former ses nouveaux agents à reconnaître les plantes insulaires et connaître leurs noms corses. Cet enseignant hors du commun fut aussi le précurseur du développement dans l'île de la méthode Freinet. D'ailleurs, les nombreux livres constitués par les élèves sont toujours conservés par la famille Casanova, de Casanova di Venacu, dont Pierre, instituteur comme lui, voulait créer le musée de l'école Freinet.

Certes, la liste des actions conduites à Corte et ailleurs par le regretté Jacques Luciani serait trop longue à développer. Mais l'on peut dire qu'il a consacré sa vie à porter ses convictions de l'avant avec abnégation. Le bien commun constituait sa ligne de conduite et n'hésitant jamais à lancer une « chjama » pour soutenir tel ou tel projet. Parmi ceux-ci retenons la création de la chorale San Teofalu, juste après-guerre, « pour récolter les fonds nécessaires à la construction de la chapelle dédiée au Saint Patron de notre ville », raconte son fils Jacques qui a revêtu le costume d'A Mannella dès 3 ans avant de prendre la guitare à 7. Enfin, toujours dans le droit fil de son engagement en faveur de la langue corse, rappelons que Jacques Luciani fut le pionnier de la lingua nustrale sur les ondes. Bénéficiant d'un décrochage régional de Radio Monte Carlo, il a animé une émission en corse tous les mercredis dès 1970. Son métier de journaliste, il l'exerça aussi sur FR 3 ainsi que dans les colonnes du Provençal-Corse. Trente ans après son décès, son souvenir reste toujours aussi vivace.        Marco Grazi

Nice-Matin du 4 juillet 2012