timbre freinet

 

Une présence sur tous les fronts

 

Une présence sur tous les fronts

Célestin Freinet, un éducateur pour notre temps

Michel Barré

 

  La répartition des militants dans la plupart des régions et leur enthousiasme à présenter les réalisations de leur coopérative, assure une présence dans beaucoup de manifestations pédagogiques ou syndicales. Comme il s'agit de témoignages concrets de réalisations d'enfants, cela suscite généralement l'intérêt des visiteurs. Même s'il n'est qu'éphémère, il en reste parfois des traces qui se traduiront plus tard en adhésions. Freinet ne manque jamais de publier de courts comptes rendus de la présence du mouvement aux manifestations, ce qui ne fait que mobiliser davantage les militants.

 

Le dynamisme est parfois source de conflits extérieurs

La Fédération de l'Enseignement supporte mal que l'AG de la CEL se réunisse et prenne ses propres décisions avant le début du congrès syndical, auquel participent ensuite beaucoup de coopérateurs. Alors que L'Ecole Emancipée avaient favorisé la rencontre des premiers imprimeurs, la fédération a refusé de s'impliquer trop nettement aux côtés des novateurs, sans doute par crainte du conformisme pédagogique de sa majorité. Maintenant, elle supporte de plus en plus mal que le mouvement soit pluraliste et accueille également des membres du Syndicat National, concurrent. La CEL doit rappeler à plusieurs reprises qu'elle prend ses décisions en toute autonomie. En août 1932, La Révolution Prolétarienne  écrit insidieusement : Freinet a quitté le congrès  (syndical) de Bordeaux pour se rendre à un congrès bourgeois à Nice.  Freinet précise alors qu'il n'avait pas de mandat syndical qui aurait justifié sa présence après l'AG CEL et la mise en place de l'exposition pédagogique, mais que par contre il devait participer à Nice au congrès de la Ligue Internationale d'Education Nouvelle.

En juillet 31, Freinet a critiqué la diffusion, par l'Office Central de la Coopération à l'Ecole, de l'ancienne presse CINUP, largement dépassée par les modèles actuels de la CEL. Barthélémy Profit, fondateur de la coopération scolaire, se montre réticent devant cet Office qui fédère depuis 1928 les coopératives d'enfants, sous la bénédiction de la Fédération des Coopératives de consommation, parfois fort éloignées de l'idéal coopératif. Freinet qui partage les inquiétudes de Profit sur les risques de dérive pédagogique, reste néanmoins favorable à l'union de la coopération enfantine avec la coopération adulte qu'il soutient par ailleurs, tout en reconnaissant ses limites.

L'Ecran scolaire , irrité de la concurrence de la cinémathèque animée par Boyau, exprime publiquement le souhait que la CEL puisse éditer des films franchement laïques. Boyau considère ce souhait comme insultant et riposte (IE 53, juin 32) : le film de Freinet "L'imprimerie à l'école" et celui de Boyau "Vendanges en Gironde" sont aussi franchement laïques qu'on peut le souhaiter. Il s'interroge sur la "laïcité" de films sur les méduses ou les ruminants et revendique le caractère laïque du film Prix et profits, subventionné par la CEL et dont nous allons bientôt reparler.

 

Un mouvement prêt à affronter l'avenir

En six ans à peine, s'est constitué un mouvement pédagogique autonome, dont le dynamisme fait parfois oublier la petite taille. Sont déjà posées les bases essentielles de ce qu'on appellera plus tard la pédagogie Freinet. Un solide réseau de militants actifs a été institué. Sa cohésion et sa force seront bien nécessaires pour traverser la période suivante, pleine de turbulence.