timbre freinet

 

Préface du livre " Au temps des tabliers et de l'imprimerie à l'école"

Pays
Département
Publication

 Voici la préface du livre de François Ambrosini écrite par Jean Le Gal en 2016

Ce livre est en vente sur le bon de commande des Amis de Freinet

 

PREFACE

C’est évidemment avec grand intérêt que je me suis plongé dans l’aventure pédagogique et humaine que François Ambrosini nous raconte avec le talent d’un conteur populaire. Il a su donner vie à son récit, en faire une histoire riche en anecdotes et nous permettre, comme si on y était, de découvrir au fil de l’expérience partagée avec Jacqueline, son épouse, la création progressive, parfois difficile, d’une école Freinet de village.

En ce début des années 60, « Entrer en pédagogie Freinet », dans un milieu scolaire et social qui en ignorait les valeurs et les pratiques, était un acte révolutionnaire qui exigeait conviction et persévérance. A travers le cheminement de François et Jacqueline Ambrosini, beaucoup d’anciens, comme moi-même, auront l’occasion de revivre, avec émotion, leur propre itinéraire, semblable et différent. Mais ce sera aussi, pour les jeunes qui veulent se lancer et qui souvent se demandent « comment démarrer ?», l’exemple vivant d’un tâtonnement pédagogique et social réussi, qui conduit chacun à construire «  sa pédagogie Freinet » et son engagement original dans un projet collectif solidaire.   

Au fil des jours, en s’appuyant simplement sur deux livres, François et Jacqueline, réussissent à faire entrer la vie dans la classe par les textes libres, le journal manuscrit, l’ouverture de l’école aux familles. Le jardin scolaire, dont l’auto-organisation est confiée aux enfants, permet de construire les premiers fondements de la démocratie à l’école et d’une éducation à la citoyenneté participative.  

Et puis ce sera le  premier stage Freinet, riche de rencontres humaines et de découvertes pédagogiques. Aujourd’hui encore, les jeunes nous disent leur étonnement devant l’accueil chaleureux et coopératif des anciens qui les accompagnent dans leurs premières expérimentations. Avec François Ambrosini, ce premier stage, vécu voilà plus d’un demi-siècle, s’inscrit dans notre histoire des techniques et des outils. On y retrouve le limographe, l’imprimerie, la gravure sur lino, le livre de vie, le fichier scolaire coopératif, la correspondance scolaire , la coopérative, le dessin libre… La « valise pédagogique Freinet » est bien remplie. «  Nous repartons du stage le samedi, pour la rentrée d’octobre, « gonflés à bloc ».

Nous avons tous ressenti cette force et ce dynamisme qui nous a permis  de retrouver avec plus de volonté et de sérénité une école et un milieu parfois difficiles à vivre. La «  douche froide » nous y attend parfois. La solidarité et l’entraide  au sein du Groupe Freinet est alors nécessaire pour résister.

C’est l’après stage dans la classe avec la mise en œuvre de toutes les pistes nouvelles découvertes. François Ambrosini nous donne à voir la concrétisation de toutes ces richesses : journal scolaire, correspondance, conférences, dessin libre dont il écrit «  Le dessin libre libère vraiment la main et surtout la pensée. C’est le moyen d’expression privilégié de l’enfant » J’apprécie particulièrement son hommage à Elise Freinet « qui a su donner ses lettres de noblesse au Dessin libre de l’Enfant et d’en avoir fait un des piliers de la Pédagogie nouvelle. »

 

L’action des Educateurs Freinet ne s’arrête pas à la porte de l’école. François Ambrosini nous en donne un exemple remarquable. Il montre comment avec Jacqueline, ils ont su tisser à partir et autour de  leur action pédagogique et éducative avec les enfants, un lien social solide et profondément humain dans le village. Cinéma, théâtre, voyage, fête de l’école…font vivre la coopération et la convivialité. Ce sont des moments inoubliables qui ont servi «   au rayonnement de l’école et au bonheur de tous ». « L’école remplit sa mission d’éducation populaire ».

Les Educateurs Freinet n’oublient pas que l’éducation a une dimension politique, s’appuie sur une conception de l’homme et de la société. Jacqueline Ambrosini nous en donne un témoignage remarquable par son engagement dans la vie municipale, «   une révolution, une femme sur une liste municipale », la première liste de participation féminine à la gestion communale. La démocratie participative fait ses premiers pas à Beaupouyet.

Obtenir la confiance des parents de nos élèves et celle de tout un village n’est pas toujours chose facile. François et Jacqueline Ambrosini nous montrent  que le travail, l’engagement et la persévérance sont des facteurs essentiels.

«  Quand même, ils s’en donnent du travail et de la peine pour les enfants et le village, les Instituteurs ».

Merci donc à eux pour leur exemple passionnant et stimulant, propre à encourager de nouveaux éducateurs à se lancer dans l’aventure de la pédagogie Freinet et, ainsi, à participer à notre volonté collective de construire une autre société, un autre monde. 

Jean Le Gal