Le Comté peine à se définir

Le Comté peine à se définir michel mulat lun 16/05/2022 - 12:54

1792, la Convention déclare suivre la volonté du peuple comtois

4 février 1793 Comté déclaré français. Le 14 février, Monaco est intégré au département A-M

1799 Bonaparte prend le pouvoir – coup d'état du 18 brumaire.

entre le 9 et le 29 mai 1800, le Comté, révolté redevient sous protectorat Sarde.

Conscription pour la Campagne de Russie suivie de la Bérezina 1812 ► les vagabonds en guenilles pullulent1.

1814 Victor-Emmanuel Ier, roi de Sardaigne, reprend le comté le 23 avril 

1848 Louis-Napoléon Bonaparte ► Président donnant des espoirs à gauche. Départ du Risorgimento en Italie

1849 Garibaldi contre Napoléon III venu au secours du pape.

1850 nait un parti prônant le rattachement du Comté à la France

1851 coup d’État qui fait Napoléon III empereur

1858 Villefranche est concédée à l'Empire de Russie par le roi de Piémont-Sardaigne

1857 Le train PLM arrive à Nice et amène les têtes couronnées ►du travail pour les campagnes et les maçons. La veuve de Nicolas Ier de Russie puis Alexandre II son fils viendront à Nice.

1859 Le Piémont, aidé par Napoléon III et Garibaldi repoussent les Autrichiens. Napoléon III veut récupérer Savoie et Comté de Nice.

1860 le plébiscite valide l'annexion du Comté à la France (93%). Les intérêts divergent :

  • Francophiles : niveau de vie amélioré.

  • Séparatistes n'ont pas de soucis financiers : réaliser l'unité italienne.

  • Garibaldi veut un état indépendant reconnu par l'Europe

1864 le train arrive à Villefranche port d'attache de la noblesse russe.

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1 On lira avec intérêt Georges Ayache

 

Reprise du chapitre de la page 27 du livre intitulé "Le Comté est piémontais".

  • Les contraintes temporelles ne m'ont pas permis de pleinement mettre en évidence la complexité qui fait la spécificité du pays de Freinet. Sans remonter au Moyen Âge je voudrais tout de même tenter de rendre compte de ce qu'ont pu vivre les populations des Alpes-Maritime au moment du rattachement à la France et cela jusqu'à la première guerre mondiale.

Le Comté peine à se définir

Il est situé à l’extrémité sud, quasi sans communication avec la capitale, ce Comté de Nice qui a été annexé. La patrie de Garibaldi n’est encore ni italienne ni française. On y parle une langue qui se rattache au provençal, par ses variantes, le gavot dans les reliefs (Gars compris, au-delà des frontières du Comté lui-même) et le nissart, son cousin, dans Nice. Le Var séparait Nice de la France, avec quelques villages faisant exception de part et d’autres pour des raisons historiques, de reconquêtes parfois ou de conflits ancestraux entre deux communautés. Roquestéron et Puget-Théniers en font partie. Gars dépend du canton de Saint-Auban, rattaché à Grasse, une ville qui possède certains particularismes, comme un tribunal de Grande instance, dont nous verrons l’importance pour Freinet lors de l’affaire de Saint-Paul. Grasse en effet était chef-lieu du Var en 1793, date à laquelle le Comté de Nice est rattaché à la France, devenant les Alpes-Maritimes. Ce sera la « Division de NIce » en 1814 lors du rattachement au Royaume de Sardaigne. C'est dire qu'à proprement parler, Nice n'a jamais été italienne. Une histoire qui pose la question de l'identité niçoise et de celle de l'ensemble du département, aux administrations et frontières incertaines.

L’annexion du Comté en 1860 a conduit à redessiner les départements, mais le fleuve reste frontière dans les esprits1, au point qu’un descendant d’immigré m’a confié que, même après la Première Guerre, on s’invectivait encore, d’une rive à l’autre, en italien ou provençal d’un côté, et nissart de l’autre.

Des historiens se sont emparés de cette Histoire en oubliant de laisser leurs idéologies au vestiaire avant d'enfiler leurs costumes d'écrivains. L'histoire du Comté n'est pas la même selon si l'on est Français, indépendantiste ou séparatiste, et surtout selon l'intérêt que l'on porte aux dates2.

1792, la Convention déclare suivre la volonté du peuple comtois de faire partie de la France. La « réunification » est déclarée par décret le 4 février 1793. Commence la campagne d'Italie. Le 14 février, Monaco est intégré au département des Alpes-Maritimes3. Mais Bonaparte trahit la Révolution en 1799 (coup d'état du 18 brumaire). Entre le 9 et le 29 mai 1800, le Comté, révolté, redevient sous protectorat Sarde. L'Empereur reprenant sa marche folle, pour un second temps victorieuse avant la Bérézina (1812), le Comté réintègre la France. Victor-Emmanuel Ier, alors roi de Sardaigne, le reprendra le 23 avril 1814 et Monaco redeviendra Principauté Il n'a pas attendu Waterloo. Il faut dire que les Niçois ne veulent pas être enrôlés dans l'armée de Napoléon pour aller se battre en Russie, et que les vagabonds en guenilles pullulent4.

Le Comté deviendra successivement « Département », « Division de Nice », « Province de Nice » aux frontières sans cesse modifiées selon les stratégies administratives qui opposent la république de Gênes et le royaume de Sardaigne5. Menton et Roquebrune profitent de la révolution de 1848 pour devenir « libres », protégées par la Savoie.

1860 le plébiscite valide l'annexion du Comté à la France. Depuis 10 ans était installé un parti pro-français lui-même ambigu dans la mesure où le cœur légèrement porté à gauche, il devrait être opposé à Napoléon III lequel, pour affaiblir l'Autriche rêve d'une unité italienne, et engagera son armée aux côtés de celle de Cavour et Emmanuel II, alors soutenue par Garibaldi.

Que peut comprendre le peuple qui vit cela en direct ? Nous manque terriblement le travail d'un anthropologue.

Le vote a été truqué clament les plus lucides. La misère a tout de même de nouveau parlé, le rattachement à la France donnant de l'espoir à celles et ceux qui n'ont rien ou pas grand chose, laissés pour comptes de la politique piémontaise.

Mais n'oublions pas non plus les antagonismes entre la Sardaigne et Gêne : Cavour supprime la qualité de port-franc à Villefranche, sacrifiant le commerce local. Dans Nice vont s'opposer les autonomistes-indépendantistes, les partisans de l'unité italienne qui se disent Italiens et les francophiles. Sans oublier la personnalité du Français de naissance (sous Napoléon) qu'est Garibaldi, l'anticlérical républicain acteur de l'unification de l'Italie. Que peut-on comprendre sans notre recul6 ?

1857 le train (PLM) arrive à Nice (en 1864 à Villefranche) et amène de riches touristes de toute l'Europe. On voit arriver la veuve de Nicolas Ier de Russie puis Alexandre II son fils. La population locale ne suffit plus pour construire hôtels et palais et pour nourrir une Nice en pleine extension. Les conditions de vie étant meilleures de ce côté de la frontière, les Italiens pauvres, comme ceux qui fuient les guerres dans leur pays, affluent et vont acquérir la nationalité française pour une forte proportion d'entre eux.

Pour compliquer encore la vision que nous tentons de nous faire intervient un évènement qui va bouleverser le changement de vie qui était en train de s'amorcer : en juillet 1870 l'Empire français déclare la guerre au Royaume de Prusse... Une occasion rêvée pour instaurer le républicanisme en Europe. Garibaldi, né Français grâce aux hésitations des politiques, s'engage et appelle le Comté à le rejoindre, francophiles italiens et indépendantistes confondus... Garibaldi qui avait été élu député de Nice en mars 1860, avait alors démissionné le 15 avril lors du rattachement du Comté à la France pour ne pas être intégré dans le gouvernement de Napoléon III. Le même se présentera et sera élu une fois l'empereur chassé de son trône par la République. Nous y reviendrons.

Pour lui comme pour tous les Républicains, Louis Napoléon a trahi la cause républicaine en se sacrant empereur et en s’alliant avec un Cavour7 au service du roi Victor-Emmanuel. Nice et la Savoie sont données en compensation de l’annexion de la Vénétie et de la Lombardie encore sous le joug autrichien. Cela se dit moins, mais Cavour avait précédemment eu d’autres arguments en dépêchant dans son lit la Comtesse de Castiglione.

L'anthropologue arrive trop tard dans la mesure où lui manqueront les témoignages, n'ayant plus que des coupures de presse d'époque à analyser. Mon intention est simplement de tenter de revivre quelques heures de cette époque au présent.

__________ Bibliographie en cours de réactualisation

1 Lire Panicacci : Menton et les Mentonnais de 1939 à 1945.

2 Voir Henri Courrière.

3 Il va de soi que les Princes n'y ont plus leur place.

4 On lira avec intérêt Georges Ayache.

5 En réalité dogat de Gênes dans la République de Ligurie jusqu'en 1805. Annexée au Piémont-Sardaigne en 1814. S'ensuivent de nombreuses révoltes sanguinairement réprimées. Rentre dans le royaume d'Italie en 1861.

6 Qui voudrait compléter ce trop court résumé de l'Histoire, devra ajouter la question du port Franc de Villefranche qui commence quand le Comté quitte la Provence pour le Comte de Savoie, en 1388 (voir Bessi en corrigeant l'erreur de date).

7 Je n'oublie pas que Garibaldi s'est aussi allie à Cavour pour favoriser l'unité italienne, mais m'abstiendrai de développer cette autre contradiction apparente.

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